Questions environnementales et éducation au politique – Varia (no63/mars 2022)
Numéro coordonné par Angela Barthes, Lucie Sauvé et Frédéric Torterat
Notes de la rédaction
Calendrier et modalités
Date limite d’envoi du projet d’article : 10 octobre 2020
(retour prévu des coordonnateurs: début novembre)
Date limite d’envoi de l’article intégral : 15 avril 2021
Date limite de retour des expertises : juillet 2021
Date limite d’envoi de la version définitive : 15 novembre 2021
Les projets d’article (environ 6000 signes, bibliographie comprise) sont à envoyer aux trois coordonnateurs du dossier (angela.barthes@univ-amu.fr ; sauve.lucie@uqam.ca ; frederic.torterat@umontpellier.fr)
Les articles devront avoir :
- une taille inférieure à 40 000 signes (espaces compris)
- une bibliographie aux normes APA
- un résumé de 500 à 1000 signes maximum, 5 à 7 mots-clés, en français et dans une autre langue vivante
- des légendes et une numérotation des images et des tableaux
- des titres ne comportant pas de numérotation (utiliser uniquement des niveaux de styles)
- des informations sur les auteurs (prénom, nom, institution d’affiliation)
- les textes sont envoyés en format .doc ou .docx
Repères typographiques:
- Pas de bibliographie en note de bas de page
- Des citations courtes, avec des références complètes (Auteur, année, page)
- Attention aux doubles espaces
- Un espace de part et d’autre les signes de ponctuation à double éléments
- Un espace après (pas avant) les signes de ponctuation à un seul élément
- Pas d’italique dans le texte, sauf pour les termes en langue étrangère ou en langue ancienne et pour les extraits de verbatim
Présentation du dossier
Des préoccupations environnementales et de développement émergent de nouveaux types de mobilisations sociales des années 60 à nos jours selon des modalités diverses (Zaccai et Orban, 2017). Ces mouvements constituent un tournant dans la vie politique à l’ère de l’anthropocène : elles engagent les populations concernées et un public large vers des apprentissages du politique, principalement en contextes non-formels et informels. Par ailleurs, l’éducation formelle est de plus en plus souvent sollicitée pour préparer les jeunes à répondre aux enjeux globaux de la société mondialisée, tels que les inégalités de santé, la détérioration des écosystèmes, ou une transition socio-écologique encore à planifier.
Parallèlement aux mobilisations sociales se déroule un processus d’inscription des questions d’environnement et de développement dans les institutions et la vie civile, à l’exemple des stratégies puis des objectifs onusiens de développement durable. Cette inscription institutionnelle influe sur les formes et finalités des mouvements sociaux, dont certains se professionnalisent, parmi lesquels le réseau École et Nature ou les CPIE. C’est ainsi par exemple que les associations d’éducation relative à l’environnement, à l’origine militantes, se retrouvent dans les années 2000 et sous l’effet de divers dispositifs gouvernementaux (Agenda 21, RSE, établissements verts…etc.) à orienter leurs formations vers des visées aussi instrumentales et limitées que l’apprentissage du tri sélectif des déchets. Cette dynamique techniciste, orientée vers les bonnes pratiques et les comportements individuels, tend à occulter ainsi les débats fondamentaux de société, lesquels sont éminemment politiques. Cette influence s’étend également sur les curriculums nationaux à tous les niveaux de l’enseignement formel dans de nombreux pays avec une orientation vers un modèle souvent technocentriste (Barthes, 2017).
Il semble que les mouvements sociaux, autant que les réponses éducatives aux politiques environnementales, de développement durable ou de transition, oscillent entre deux tendances principales (Slimani, 2019) : l’une prenant alors un caractère techniciste et dont les objectifs sont orientés sur la croissance économique avec une quête apparente de consensus social ; l’autre qui prend un caractère plus politique, et qui s’assortit généralement d’une réflexion sur les échelles de temps et d’espace ainsi que les divergences d’intérêts dans les jeux d’acteurs d’un monde en mutation. Par exemple, le mouvement « ville en transition » qui prend naissance en Grande Bretagne en 2006 relève plutôt du premier cas, en proposant des alternatives locales résilientes aux crises économiques et climatiques. « Climate Justice action », un réseau populaire européen qui a pris naissance en 2014 lors de la COP 21, oriente plutôt ses réflexions vers la justice sociale et affronte le système capitaliste dominant avec des actes de désobéissance en vue d’en casser les logiques.
Entre ces deux tendances principales, des positions intermédiaires peuvent apparaître sur les terrains de l’éducation et/ou de l’action sociale à finalité éducative, mais une repolitisation de la société est quoi qu’il en soit observable à travers les questions environnementales et de développement. De même, un regain d’intérêt des populations au niveau mondial pour le processus démocratique se manifeste avec un retour affiché de la participation citoyenne (sciences participatives, démocratie participative, engagement…etc) (Torterat, 2014). Cela se vérifie également dans sa forme institutionnalisée par un regain de l’intérêt pour l’implication citoyenne dans les processus de décision, ou encore pour le management public dans le monde de l’entreprise.
Ces dynamiques actuelles relèvent le plus souvent de processus d’éducation non-formelle ou informelle au politique d’une part, et à la citoyenneté d’autre part, avec une diversité de mouvements et de pratiques sociales émergeantes. Il apparaît également que la recherche en sciences humaines et sociales (SHS) développe des positionnements épistémo-théoriques et méthodologiques qui vont dans le sens d’une intelligibilité des phénomènes, mais qui peuvent offrir aussi une formalisation parfois un accompagnement de l’action éducative. Citons par exemple, de manière non exhaustive, les cultural studies (Ang, 2007), les éducations à (Barthes et al., 2017), l’éducation critique (Fien, 1993) ou encore la prise en charge des questions socialement vives en éducation (Håkansson et al, 2017)
Dans ce contexte, ce numéro thématique vise à rendre compte de travaux empiriques à conceptualiser, voire modéliser des formes et/ou propositions d’éducation (formelle, non-formelle, informelle) au politique prenant appui sur les questions environnementales et de développement, et mettant en évidence leurs multiples dimensions, y compris en termes d’enjeux de socialisation. Les concepts du politique et de l’éducation au politique sont laissés ici délibérément ouverts, en ce qu’ils peuvent concerner des organisations sociales, éducatives, institutionnelles, ou des positionnements individuels ou collectifs, sans s’interdire d’en envisager la portée socio-cognitive. Il s’agit en effet de réunir des contributions de différentes disciplines des SHS en vue de construire un dialogue fécond permettant de formaliser et de mettre en évidence la dimension transversale d’une éducation au politique. Il est également attendu que les analyses portent sur une diversité de terrains de l’éducation formelle, non-formelle, informelle (mouvements sociaux, espaces culturels de formation, médias, école et autres institutions), selon une diversité de cadres théoriques et de méthodes, mais aussi d’objets (dynamiques sociales des apprentissages, transformations des sujets et des environnements, analyses curriculaires, mises en récits d’expériences, etc.). Dans la perspective des mouvements citoyens enfin, les réflexions menées sur les sociabilités politiques à l’heure des réseaux sociaux numériques, pour peu qu’elles soient correctement documentées et problématisées, constituent une orientation possible.
Les propositions d’articles peuvent s’inscrire dans l’un ou deux des axe(s) ci-dessous:
Quels processus d’éducation informelle au politique au travers des mouvements sociaux liés aux questions environnementales et de développement, et quels effets sur ses acteurs de terrain?
L’objectif est ici est de contribuer à formaliser un champ de recherche pour une éducation au politique sous différentes approches (terrains, objets, paradigmes, approches et stratégies, résultats saillants), mais aussi de fournir, dans une perspective praxéologique, des instruments de compréhension et d’intervention aux acteurs du domaine. Nous cherchons également à faire le lien entre les mouvements sociaux et les éducations informelles au politique. Il s’agira de se démarquer des cadres classiques d’une d’éducation à la citoyenneté qui possède déjà ces propres cadres de références, et qui ne relève pas tout à fait des mêmes finalités que les éducations au politique, à moins qu’il ne s’agisse d’en établir les complémentarités. En plus des apports des courants de recherche et de pratiques en éducation à la citoyenneté ou à la paix par exemple, il s’agit de mettre en évidence les finalités, les cadres de référence et les méthodologies du champ encore non cartographié de l’éducation au politique et de l’en différentier. Les auteur.e.s sont par ailleurs invité.e.s à expliquer comment les mouvements sociaux à visée environnementale participent d’une éducation informelle au politique, et de témoigner de leur compréhension de cette éducation (caractéristiques, dynamiques, apprentissages).
Quels modèles possibles d’une éducation au politique à travers les questions environnementales et de développement ?
S’il existe aujourd’hui divers courants et travaux d’une éducation au politique (citons par exemple Ohman, 2008 ; Perpermans, 2016 ; Levinson, 2017 ; Sauvé, 2017), ces courants formalisent des modèles possibles et évoluent au fil de l’actualité. Il apparait pertinent de dresser un état de l’art de ces modèles dans les différentes sphères culturelles et de comprendre les finalités et valeurs qu’ils portent au niveau éducatif. Il s’agit de comprendre comment et sur quels terrains ils se construisent, et comment ils se situent les uns par rapport aux autres d’un point de vue historique et systémique. L’enjeu consiste également à prendre en compte la multiplicité des nouvelles propositions qui se construisent en modèles d’éducation au politique, ou en contre-modèles explicités en tant que tels, notamment au travers des thèses et autres travaux récents (Toupet, 2017 ; Curnier, 2017, Renault-Tinacci, 2018 ; Slimani, 2019, Vaquero, 2019 : liste non exhaustive).
Repenser le politique en éducation et repolitiser l’éducation face aux grands enjeux actuels de société? Comment et pourquoi?
Cet axe invite à repenser plus globalement la place et la fonction du politique en éducation formelle et non-formelle essentiellement face à la prise en charge par l’éducation des grands enjeux actuels de la société. Ces questions, souvent posées dans le cadre des « éducations à » (au développement durable, à la santé, à la biodiversité, à la citoyenneté…), traversent également des courants tels que l’enseignement des questions socialement vives ou les « controversial issues » (Levinson, 2017). Cette perspective d’étude rejoint par ailleurs l’éducation au temps de l’anthropocène (Wallendhorst et Pierron, 2019) et au temps des transitions climatiques, la prise en compte des enjeux globaux de société dans les enseignements transversaux de toutes sortes. On retrouve aussi ces enjeux dans certaines didactiques comme celles de l’histoire, de la géographie, ou des sciences de la vie et de la terre, mais également dans les enseignements agricoles ou certaines filières du supérieur. Il s’agit ici clairement de repenser l’impolitisme (Rosanvallon, 2006) et la repolarisation des situations éducatives.
Comment penser les curriculums formels et non formels pour permettre de structurer une éducation au politique?
Appuyé sur les théories curriculaires, et plus spécialement la sociologie du curriculum (Forquin, 2008), sans être exclusif, la réflexion porte ici sur les possibilités d’agir sur la question des curricula et des méthodes permettant de structurer ce que pourrait être une éducation au politique. Sont attendues ici des propositions de structurations et balises curriculaires d’une éducation au politique argumentées d’un point de vue philosophique et praxéologique. Il est recherché également une identification des apports d’une éducation au politique dans différents milieux d’enseignement-apprentissage (curriculum produit), voire de vécus d’enseignants ou de formateurs. Peuvent-être également attendus ici des réflexions et des études pragmatiques sur les contre-modèles à une éducation au politique, s’ils sont pensés comme tels, comme peuvent l’être dans certains cas les dispositifs d’accompagnement, les travaux personnels encadrés ou les modalités pédagogiques qui les favorisent (technicisation des questions politiques, cours de morale privilégiant les bonnes pratiques environnementales…), ou encore certaines situations d’alternance.
Références bibliographiques
Ang, I. (2007). Cultural Studies. In T. Bennett & J. Frow (dirs.), The Sage Handbook of Cultural Analysis, Oxford, Sage. DOI: 10.4324/9780203990810
Barthes, A. (2017). Quels outils curriculaires pour des « éducations à » vers une citoyenneté politique ? Educations, 17(1), 25-40. URL: https://www.openscience.fr/Numero-1-327
Barthes, A. ; Lange, J-M. ; Tutiaux-Guillon, N. (2017). Dictionnaire critique des enjeux et concepts des « éducations à ». Paris: L’Harmattan.
Curnier, D. (2017). Quel rôle pour l’école dans la transition écologique? Esquisse d’une sociologie politique, environnementale et prospective du curriculum prescrit. Thèse de doctorat en Sciences de l’environnement de l’Université de Lausanne.
Fien, J. (1993). Education for the environment: Critical Curriculum theorizing and environmental education. Australia, Geelong: Deakin University Press.
Forquin, J-C. (2008). Sociologie du curriculum. Rennes: Presses universitaires de Rennes.
Håkansson, M.; Kronlid, D.; Östman, L. (2017). Searching for the political dimension in education for sustainable development: socially critical, social learning and radical democratic approaches. Environmental Education Research, 25(1), 34-51.
Levinson, R. (2017). SQA as a socio-political programme: some challenges and opportunities. Journal of Education, 5(2), 25-39.
Öhman, J. (2008). Environmental ethics and democratic responsibility: A pluralistic approach to ESD. In J. Öhman (ed.), Values and democracy in education for sustainable development: contributions from Swedish research(p.17–32). Malmö, Sweden: Liber.
Pepermans, Y. ; Maeseele, P. (2016). The politicization of climate change: problem or solution? Wires Clim change, 7, 478-485.
Renault-Tinacci, M. (2018). La participation associative: Une nouvelle voie politique? Paris : thèse de l’université de Paris Descartes.
Rosanvallon, P. (2006). La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance. Paris: éditions du Seuil.
Slimani, M. ; Lange, J-M. ;Atf, A. (2018). Le projet pédagogico-didactique de socialisation : perspective d’une socialisation démocratique pour l’enseignement-apprentissage des questions environnementales et de développement. Education et socialisation, 50. URL : https://journals.openedition.org/edso/5106
Slimani, M. (2019). Vers un curriculum possible d’une éducation au politique à travers les questions environnementales et de développement. Montpellier : thèse de l’université de Montpellier.
Sauvé, L. (2017). Education à l’écocitoyenneté. Dans Dictionnaire critique des enjeux et concepts des « éducations à » (p. ). Paris: L’Harmattan.
Torterat, F. (2014). La blogosphère politique, un espace langagier en tensions. In: Marcel Burger et Anne-Claude Berthoud (dir.), Repenser le rôle des pratiques langagières dans la constitution des espaces sociaux contemporains(p. 147-164).Bruxelles: De Boeck.
Toupet, J. (2017). Les traducteurs du changement. De l’intégration des jeunes ruraux à la gestion de la nature. Thèse de l’université Bretagne-Loire
Vaquero, S. (2019). Réussir ses TPE. Une sociologie de la domination scolaire et culturelle au sein des dispositifs pédagogiques du Lycee. Poitiers : thèse de l’université de Poitier.
Wallenhorst, N. ; Pierron, J.-P. (dir.) (2019). Eduquer en Anthropocène. Lormont : Le Bord de l’eau.
Zaccai, E. ; Orban, A. (2017). Mobilisations écologiques actuelles, mobilisations des années 1960-1970 : quels parallèles ? Développement durable et territoire, 18(2). DOI : https://journals.openedition.org/developpementdurable/11847