- Saviez-vous que plusieurs études documentent comment l’éducation relative à l’environnement contribue concrètement à la réussite éducative ?
- Saviez-vous que le Québec réunit toutes les compétences et l’expérience pour devenir un leader international de l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté, rôle si crucial dans notre monde contemporain ?
- Saviez-vous que 25 ans après les premiers États généraux de l’éducation relative à l’environnement, le Québec ne possède actuellement aucune politique ou stratégie formelle pour favoriser l’intégration de cette dimension fondamentale l’éducation ? Certes l’éducation est maintenant liée à la Stratégie gouvernementale de développement durable 2015-2020 par le biais d’un « chantier », mais ce cadre n’est-il pas étroit pour y déployer toute action éducative en matière d’environnement?
- Saviez-vous qu’un Service d’éducation relative à l’environnement avait été mis en place au moment de la création du ministère de l’Environnement en 1979 et a poursuivi ses activités jusqu’à son abolition dans les années 90?
- Saviez-vous qu’un Comité interministériel d’éducation relative à l’environnement a été mis en place à la fin des années 80, réunissant entre autres le ministère de l’Environnement, de l’Éducation et des Ressources naturelles pour favoriser en particulier la formation des éducateurs dans ce domaine? Saviez-vous que ce Comité a été dissous au milieu des années 90?
- Saviez-vous que seulement deux conseillères pédagogiques en environnement et en éducation relative à l’environnement œuvrent actuellement au Québec?
- Saviez-vous que la formation initiale des futurs enseignants en éducation relative à l’environnement reste très marginale et optionnelle ?
- Saviez-vous que de nombreuses organisations ayant développé une expertise en éducation relative à l’environnement parviennent difficilement à rejoindre leurs publics cibles, tant scolaires que citoyens, en raison de la précarité financière grandissante qui les affecte ?
- Saviez-vous qu’il n’existe pas de programme de financement pour les organisations non gouvernementales en environnement et plus spécifiquement en éducation relative à l’environnement?
- Saviez-vous que le soutien annoncé par le Fonds vert à cet effet n’a pas encore été octroyé?
- Saviez-vous que le financement statutaire octroyé à des ONG qui ont joué jusqu’ici un rôle indispensable en éducation relative à l’environnement, n’a pas été renouvelé?
- Saviez-vous qu’au-delà des changements de comportements, l’éducation relative à l’environnement vise bien davantage le développement de compétences fondamentales d’ordres critique, éthique et politique ?
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Saviez-vous que plusieurs études documentent comment l’éducation relative à l’environnement contribue concrètement à la réussite éducative ?
Tableau des études qui présentent certaines contributions spécifiques d’une éducation en matière d’environnement
Contribution spécifique | Études |
Favorise la réussite des élèves | Sterbinsky, A. (2002)***; Duffin, M., Powers, A., Tremblay, G., & PEER Associates (2004) |
Favorise l’activité physique et contribue à l’amélioration de la santé des élèves | Duffin, M., Powers, A., Tremblay, G., & PEER Associates. (2004); National Diabetes Education Program. (2006); Dyment, J.E. et Bell, A.C. (2007); Perrin, James M. et coll. (2007); Hinkley, T. et coll. (2008); Bell, Janice F. et coll. (2008); Lovasi, G.S. et coll. (2008); Mitchell, R. et Popham, F. (2008); Schulman, A., et Peters, C.A. (2008); Bell, Anne C. et Dyment, J. E. (2008); American Academy of Pediatrics. (2009) |
Amélioration des notes en lecture, mathématiques, sciences, univers social | Beard, L. J., (1998)*; Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998); Abrams, K. S. (1999)*; Glenn, J. L. (2000); Hitz, W. H. Jr., (2000)*; Lieberman, G. A., Hoody, L. L., & Lieberman, G. M. (2000)***; Randall, J.M. (2001)*; Cheak, M. et coll.(2002)*; Sterbinsky, A. (2002)***; Bartosh, O. (2003)**; Emekauwa (2004a)***; (2004b)***; Falco (2004); Klemmer, C. et coll. (2005)*; Parish, D. & Phillips, G., (2005)*; Danforth, P. (2005)**; American Institutes of Research (2005)**; Monroe, M. C., Randall, J., & Crisp, V. (2010); Curtiss, E. (2012) |
Favorise les apprentissages liés à savoir-faire de la science (plutôt qu’à propos des sciences) et améliore les habiletés de transposition en contexte non familier | Glenn, J. L. (2000); Basile, C.G., (2000)*; Cheak, M. et coll.(2002)*; Barnett, et coll. (2005)* |
Ajoute du sens aux apprentissages disciplinaires; Améliore l’efficacité des apprentissages | Lieberman, G. A., Hoody, L. L., & Lieberman, G. M. (2000)***; Nava-Whitehead, S. (2002); The National Environmental Education Foundation (NEEF). (2016); |
Stimule l’enthousiasme, la motivation et l’engagement des étudiants dans leurs apprentissages | Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998); Nava-Whitehead, S., (2002)*; Cheak, M. et coll.(2002)*; Bartosh, O. (2003)**; Athman, Julie & Monroe, Martha. (2004)*; Von Secker, C., (2004); Duffin, M., Powers, A., Tremblay, G., & PEER Associates. (2004); Falco (2004); Barnett, et coll. (2005)*; American Institutes of Research (2005)**; Monroe, M. C., Randall, J., & Crisp, V. (2010) |
Améliore l’estime de soi | American Institutes of Research (2005)* |
Rejoint une variété de modes d’apprentissage | The National Environmental Education Foundation (NEEF). (2016) |
Améliore l’attention des élèves souffrant d’un déficit-nature | Taylor, A. F. et coll. (2008) |
Participe à la diminution du décrochage | Ruiz-Gallardo, J. R., et coll. (2013); Bartosh, O. (2003)* |
Favorise la poursuite les études | Glenn, J. L. (2000) |
Augmente la moyenne des bourses reçues | Bartosh, O. (2003)** |
Développe des compétences qui préparent les élèves à une diversité de carrières (chercheurs, enseignants, gestionnaires de ressources, techniciens, etc.) | Pfirman, S. (2003) |
Favorise le développement de la pensée critique | Archie, M. (2003); Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998); Ernst, J., & Monroe, M., (2004)*; Athman, Julie & Monroe, Martha. (2004)** |
Favorise le développement de la pensée créative | Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998) |
Développement de l’initiative | Archie, M. (2003) |
Favorise le développement des compétences de résolution de problèmes existants et concrets | Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998); Glenn, J. L. (2000); Archie, M. (2003); Ernst, J., & Monroe, M. (2004); American Institutes of Research (2005)** |
Favorise le développement des compétences interpersonnelles (coopération, fonctionnement démocratique, communication, comportement, sollitcitude/empathie, civisme) | Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998); American Institutes of Research (2005)** |
Contribue au développement des compétences d’organisation de l’élève | Duffin, M., Powers, A., Tremblay, G., & PEER Associates. (2004) |
Favorise le développement de compétences citoyennes: compétences de communication, de travail en groupe, de résolution de problèmes et de passage à l’action environnementale | Monroe, M. C., Randall, J., & Crisp, V. (2010); American Institutes of Research (2005)** |
Favorise la saisie de concepts transversaux aux disciplines académiques | Archie, M. (2003) |
Participe à la diminution des enjeux de gestion de classe | Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998); Abrams, (1999)*; Glenn, J. L. (2000); Amélioration de l’enthousiasme et de l’engagement des enseignants dans leur profession; American Institutes of Research (2005)**; Falco (2004) |
Améliore l’enthousiasme et l’engagement des enseignants dans leur profession | Duffin, M., Powers, A., Tremblay, G., & PEER Associates. (2004); Lieberman, G. A., & Hoody, L. L. (1998) |
Favorise le support de l’enseignant de la part des parents, de la communauté et de l’administration et contribue à l’engagement de la communauté | Bartosh, O. (2003)**; Duffin, M., Powers, A., Tremblay, G., & PEER Associates. (2004) |
* Études dont les résultats potentiellement significatifs méritent d’être approfondis (Norman et coll. 2006).
** Études particulièrement rigoureuse ou dont les résultats attestent d’une forte corrélation (Ibid.).
*** Études particulièrement rigoureuse et dont les résultats attestent d’une forte corrélation (Ibid.).
Études non couvertes par la recherche menée par Norman et coll. (2006).
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Saviez-vous que le Québec réunit toutes les compétences et l’expérience pour devenir un leader international de l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté, rôle si crucial dans notre monde contemporain ?
Le Québec : un leader potentiel de l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté
Tout au long de leur expérience, les acteurs de l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté au Québec ont développé des compétences éprouvées. En 1987, l’Association québécoise de promotion de l’éducation relative à l’environnement comptait 164 organisations actives en éducation relative à l’environnement. Aussi, la première Chaire de recherche du Canada en éducation relative à l’environnement et depuis 2012, le Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté ont largement contribué à faire du Québec un leader de la recherche dans le domaine.
Un meilleur soutien financier et une véritable reconnaissance gouvernementale de ce riche patrimoine pourrait faire du Québec un leader international dans le domaine.
Saviez-vous que 25 ans après les premiers États généraux de l’éducation relative à l’environnement, le Québec ne possède actuellement aucune politique ou stratégie formelle pour favoriser l’intégration de cette dimension fondamentale l’éducation ?
Certes l’éducation demeure liée à la Stratégie gouvernementale de développement durable 2015-2020 par le biais d’un « chantier », mais ce cadre n’est-il pas étroit pour y déployer toute action éducative en matière d’environnement?
Liste de références répertoriant des enjeux liés au cadre d’une éducation visant le développement durable
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Saviez-vous que seulement deux conseillères pédagogiques en environnement et en éducation relative à l’environnement œuvrent actuellement au Québec?
Des conseillers pédagogiques pour l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté
À la Commission scolaire de Montréal, un seul poste de conseillère pédagogique en éducation relative à l’environnement existe. Le poste n’est pas à temps complet puisqu’il combine d’autres fonctions liées à la gestion environnementale de la commission scolaire.
Un poste de conseiller pédagogique en environnement a aussi été mis en place à la Commission scolaire de Laval.
Imaginons ce que la multiplication de ces postes pourrait faire pour une meilleure prise en compte du rapport à l’environnement et à l’écocitoyenneté en éducation au Québec !
Saviez-vous que la formation initiale des futurs enseignants en éducation relative à l’environnement reste très marginale et optionnelle ?
Une formation initiale à enrichir
Seulement deux universités, l’Université du Québec à Montréal et l’Université Laval, offrent un cours en éducation relative à l’environnement dans la formation initiale des futures enseignantes et futurs enseignants. Par ailleurs, ce cours est optionnel dans la formation.
Saviez-vous que de nombreuses organisations ayant développé une expertise en éducation relative à l’environnement parviennent difficilement à rejoindre leurs publics cibles, tant scolaires que citoyens, en raison la précarité financière grandissante qui les affecte ?
Saviez-vous qu’il n’existe pas de programme de financement pour les organisations non gouvernementales en environnement et plus spécifiquement en éducation relative à l’environnement?
Saviez-vous que le soutien annoncé par le Fonds vert à cet effet n’a pas encore été octroyé?
Saviez-vous que le financement statutaire octroyé à des ONG qui ont joué jusqu’ici un rôle indispensable en éducation relative à l’environnement, n’a pas été renouvelé?
Un financement statutaire à réintroduire
Le sous-financement chronique des ONG les oblige à proposer de petits projets dans des programmes gouvernementaux, plus vulnérables à l’influence partisane et qui, trop souvent, oriente leur mission en fonction de dossiers spécifiques, comme c’est le cas présentement pour le thème des changements climatiques, certes important mais qui est loin de recouvrir l’ensemble des préoccupations. Ce contexte limite la diversité et la pérennité des initiatives. Les critères quantitatifs pour les demandes de subvention et les évaluations par projet rendent difficile le déploiement de la mission des ONG.
De plus, une telle logique de financement par projet entraîne la perte d’expertise et de stabilité dans les organismes. Cette conjoncture défavorable oblige aussi les ONG à consacrer beaucoup de temps à la recherche de subventions ce qui nuit à leur efficacité et à leur efficience.
On constate aussi que le ministère de l’Environnement (MDDELCC) a le plus petit budget de tous les ministères. Pour sa part, le ministère de l’Éducation (MEES) affirme que l’environnement ne concerne pas son secteur. Le manque de fonds en environnement oblige les ONG à être de plus en plus « créatifs » dans leurs recherches de financement. Ils sont alors contraints de frapper à de nouvelles portes (santé, culture, jeunesse, famille, société, etc.) et, par conséquent, de devoir souvent s’éloigner de leurs préoccupations centrales.
Le financement statutaire d’ONG est primordial pour la pérennité de plusieurs organismes. Leur rôle est essentiel à la promotion de l’éducation en matière d’environnement et d’écocitoyenneté dans la société et à son intégration plus efficace dans le milieu scolaire. Il s’avère donc très urgent de rétablir ce financement, voire de l’élargir.
Saviez-vous qu’au-delà des changements de comportements, l’éducation relative à l’environnement vise bien davantage le développement de compétences fondamentales d’ordres critique, éthique et politique ?
L’éducation relative à l’environnement
Lucie Sauvé
Référence : Sauvé, L. (2015). L’éducation relative à l’environnement. In Bourg, D. et Papaux, A., Dictionnaire de la pensée écologique. Paris : Presses Universitaires de France, p. 376-379.
Les changements majeurs que requiert l’incontournable écologisation de notre monde font appel à l’éducation comme processus de refondation de notre ancrage dans cette maison – oïkos – que nous partageons entre nous humains et avec les autres formes et systèmes de vie. Il s’agit d’apprendre à « vivre ici ensemble ».
Les limites de l’approche comportementale
Au cours des années 70, période des premières initiatives ’institutionnalisation promues par l’Unesco, l’éducation relative à l’environnement était surtout associée à la modification de comportements en vue de la résolution de problèmes. On a vite compris toutefois les limites de cette approche de « responsabilisation » trop souvent exogène, fondée sur un apport d’information et un effort de conscientisation: l’écart entre le savoir et l’action – manifeste chez le nombre grandissant des « pollueurs instruits » ou de consommateurs informés – a déjà été bien documenté. L’apport de connaissances associé à la transmission de codes de comportements ne suffit pas à transformer le rapport personnel et collectif à l’environnement. Il peut même s’en suivre une certaine lassitude sociale.
D’ailleurs, comme stimulus de changement de comportements, l’approche réglementaire (injonctions et sanctions) et les campagnes de marketing social peuvent fort bien tenir lieu de « pédagogie » du bon geste de la part du « citoyen responsable ». Reconnaissons qu’il s’agit parfois de stratégies appropriées aux contextes d’urgence ou aux situations de communication auprès d’un public diffus, à l’attention fragmentée. Dans une même veine, l’argument économique du développement durable (gains d’efficacité et valorisation sociale) peut motiver les milieux de l’entreprise et de la gestion des affaires publiques à intégrer des pratiques « vertes».
Mais au bout du compte, outre des changements trop souvent ponctuels, partiels, superficiels et parfois éphémères, nos sociétés restent enfermées dans le même paradigme d’un monde « objet » de consommation, si « responsable ou soutenables » soit-elle, et les politiques publiques tardent à promouvoir les transitions et les virages majeurs qui s’imposent. Par exemple, on met l’accent sur l’« adaptation aux changements climatiques » et on fait appel à des investissements en ce sens – entre autres, en éducation – mais les causes de la situation actuelle sont trop souvent occultées. L’écartèlement s’accroît entre l’étau de l’oligarchie politico-économique et l’éclatement des diverses formes d’indignation, trop souvent limitées à la seule dénonciation.
L’exigence d’une éducation à l’écocitoyenneté
Au-delà d’une approche réactive aux problèmes et d’un traitement « éducatif » de haut en bas, l’évolution du champ de l’éducation relative à l’environnement a permis de mettre en lumière l’importance de promouvoir le développement de compétences fondamentales, intégrant un savoir, un vouloir et un pouvoir-agir, qui incitent chacun à s’inscrire de façon pro-active comme acteur à part entière des changements qui s’imposent. Il s’agit de compétences d’ordre critique, éthique et politique, qui contribuent à l’émergence d’une écocitoyenneté, soit une citoyenneté consciente, créative et engagée dans la transformation des réalités socio-écologiques. Une telle approche est exigeante. Elle requiert du temps, s’inscrit difficilement dans une planification a priori, implique l’inconfort, soulève de multiples questions et inquiétudes en cours de route. On est loin de la réponse unique, de la prescription, du guide de solutions destinées au grand public. Une telle éducation relative à l’environnement se déploie au mieux dans une plongée au cœur de l’action collective, impliquant le défi d’apprendre ensemble avec toutes les difficultés que cela comporte. Il s’agit de promouvoir un changement culturel profond : vers une culture de l’appartenance et de l’engagement.
Avec la montée impressionnante tant au Nord qu’au Sud des divers mouvements sociaux qui dénoncent les situations écosociales insoutenables et s’organisent en résistance, on observe un vaste terrain d’apprentissage collectif : d’une part, l’éducation relative à l’environnement peut accompagner ces dynamiques de changement; d’autre part, l’expérience d’apprentissage citoyen peut inspirer les théories et pratiques éducatives, tant en milieu formel que non formel. Les dimensions critique, éthique et politique de l’apprentissage écosocial s’y déploient avec courage et fécondité.
Une compétence critique
Le développement d’une compétence critique implique d’abord de porter un regard neuf sur les « questions vives » qui agitent nos sociétés et de s’interroger sur les rapports de pouvoir au sein de celles-ci. Une telle compétence s’appuie sur l’intégration d’un ensemble de connaissances permettant d’aborder la complexité des réalités socio-écologiques sous une diversité d’angles d’analyse, reconnaissant la pluralité des regards, des savoirs et des arguments à propos d’une situation, d’un enjeu. Elle fait appel à des habiletés cognitives et stratégiques comme celles de rechercher, de traiter et valider l’information, de construire un argument, d’entrer en débat, etc.; elle se fonde enfin sur des attitudes, dont un souci de rigueur, de pertinence et de justesse, le scepticisme, la curiosité et la capacité de se remettre en question. Mais au-delà de l’attention soutenue que suppose l’exercice de la pensée critique, une compétence critique intégrale s’ouvre sur une préoccupation de critique sociale. Les questions du « quoi » et du « comment » ne suffisent pas. La question critique par excellence est celle du « pourquoi ». Qui décide quoi ? Pourquoi ? Au nom de qui ? Dans quel but ? C’est dans une telle perspective de critique sociale que sont abordées les questions environnementales (relatives à l’eau ou à l’énergie, par exemple). Il s’agit de dénoncer l’aliénation et l’oppression et de favoriser l’émancipation, l’équité et l’écojustice.
Le développement d’une compétence critique implique la prise de conscience des enjeux épistémologiques et éthiques de l’accès au savoir, comme source d’un certain pouvoir – surtout en ce qui concerne le savoir de type scientifique, technologique et du domaine du droit. Cela implique également d’affronter le vertige de la complexité et de l’incertitude, construisant patiemment et courageusement des « îlots » de savoir et de rationalité qui prennent sens progressivement. Il faut reconnaître que le savoir environnemental ne peut être confiné aux rayons de bibliothèque : celui-ci se construit au fil des jours et des événements; il émerge de l’effort de compréhension collective, au coeur des débats sociaux. Nous sommes tous appelés à devenir des constructeurs de savoir environnemental et c’est collectivement que s’opère la validation critique de celui-ci. La question du « pourquoi » nous interpelle tous et donne du sens à l’action collective.
Une compétence éthique
La compétence critique est indissociable du développement d’une compétence éthique. Celle-ci suppose la capacité d’analyse des « valeurs environnementales » qui sous-tendent les discours et les choix d’action chez les protagonistes des situations environnementales, mais aussi, avec plus d’exigence encore, la capacité de clarification de notre propre système de valeurs. À cet effet, l’éducation (relative) à l’environnement doit d’abord favoriser le développement d’une culture éthique : les postures égocentrique, anthropocentique, sociocentrique, biocentrique ou écocentrique déterminent les formes de rapport à l’environnement. Qu’en est-il par exemple, de l’éthique du « bien commun » et de ses principes fondateurs que sont la citoyenneté et la solidarité ? Et en quoi le « land ethic » d’Aldo Léopold (éthique de la communauté biotique) peut-il être inspirant ? Qu’apportent la proposition du « Bien vivir » en Équateur et celle du « Vivir bien » en Bolivie, qui associent les droits de la nature à ceux des personnes et des peuples? La compétence éthique s’appuie sur le développement d’une telle culture réflexive. Elle implique l’authenticité, l’intégrité, la cohérence entre l’être, le discours et l’agir. La compétence éthique permet de fonder ses décisions sur des valeurs explicites et assumées, et de participer de façon consciente et plus éclairée aux débats publics.
Au bout du compte, elle nous confronte à la double question suivante : et si l’on apprenait qu’il est trop tard, que la « fin du monde » s’installe déjà avec les changements climatiques, quelles valeurs fonderaient l’ultime dignité de notre humanité en fin de trajectoire? Et s’il n’était pas trop tard … s’il était possible de remonter la pente de l’autodestruction, quelles valeurs nous donneraient l’élan de rebondir?
Une compétence politique
L’exercice de la compétence critique, en lien avec la compétence éthique, mène au champ du politique. En effet, à quoi servent les « petits gestes » comme autant de grains de sable sur la dune? La vague de la mondialisation l’emportera tôt ou tard. Ce qui permet de cimenter la dune, c’est la dimension politique des ces gestes. L’environnement est une « affaire commune », un objet éminemment collectif, donc politique. Qui sommes-nous? Que voulons-nous? Que pouvons-nous faire ensemble? Quels sont nos espaces et nos outils de pouvoir? Quelles sont nos limites? Comment les surmonter? La compétence politique implique un ensemble de savoirs relatifs par exemple aux structures et aux dynamiques socio-politiques, aux lois et règlements, aux acteurs et aux jeux de pouvoir, aux différents courants politiques, etc. Elle fait appel à des habiletés dont l’analyse des situations, l’argumentation, le débat, la conception et la mise en oeuvre de stratégies d’action. Elle s’appuie sur un sentiment de pouvoir-faire et sur un vouloir-faire. La compétence politique peut se développer et se déployer à l’échelle du voisinage, du quartier, du village, de la région … : elle implique une dynamique collective, humblement mobilisée, mais consciente de la force de la cohésion et de la synergie. Elle amène à dénoncer, résister, choisir, proposer, créer, s’engager, etc. Elle permet de reconnaître les espaces de liberté qui sont les nôtres, mêmes limités a priori, et elle invite à les saisir courageusement. La compétence politique est essentielle au processus d’émancipation sociale. Elle valorise l’innovation écosociale et la soutient. Elle est étroitement liée à l’engagement, mû par l’exercice d’une critique sociale et soutenu par des repères éthiques.
Enjeux et Défis
Une telle vision de l’éducation, centrée sur le rapport critique, éthique et politique à l’environnement, n’est pas compatible a priori avec les tendances sociétales actuelles. Les acteurs de l’éducation (relative) à l’environnement doivent affronter plus que jamais les défis suivants : 1) l’examen critique des cadres de référence idéologiques qui influencent l’action éducative; 2) le développement de politiques publiques favorisant le croisement entre éducation et environnement; 3) l’écologisation des institutions d’enseignement à travers les curriculums et les modes de vie et de gestion; 4) la formation des éducateurs des milieux formels et non formels; 5) le soutien à la recherche interdisciplinaire et intersectorielle. L’éducation (relative) à l’environnement demeure un chantier collectif permanent, encore à contre-courant, mais sans cesse renforcé et alimenté par les initiatives de ses artisans, pour lesquels l’apprentissage est un acte ontologique et politique, au cœur de la refondation de notre monde.
En lien avec le questionnement de chacun sur la signification de l’« être au monde » et le travail personnel d’engagement critique et authentique, il s’agit de promouvoir l’apprentissage du « vivre ici ensemble », de contribuer à la construction d’une intelligence citoyenne des situations écosociales et au développement de compétences d’action collective.
Saviez-vous que les contenus liés à l’univers du vivant en sciences et technologies au secondaire sont soustraits des évaluations ministérielles pour la sanction des études ?
La gestion par résultats accentue la pression sur les enseignants, notamment avec les cibles de réussite, et circonscrit de plus en plus les enseignements en fonction des sanctions ministérielles. Les épreuves de science et technologie, tant pour le programme optionnel « sciences et technologie de l’environnement » que pour celui intitulé « science et environnement », privilégient les contenus rattachés à l’univers matériel, à l’univers de la Terre et de l’espace et à l’univers technologique au détriment des contenus liés à l’univers vivant (exclus de l’examen ministériel en IVe secondaire). Ainsi, seule la partie « science et technologie » est sanctionnée par le Ministère. Cette réalité liée aux examens ministériels incite de nombreux enseignants à orienter leur enseignement en fonction de ce que contiennent ces examens et non en fonction du PFEQ. Ainsi, l’environnement et l’univers vivant n’ont actuellement que très peu de place dans les salles de classe du Québec en IVe secondaire.